Sunday, 16 January 2011

Savage Suffocation. Buster Keaton. The Navigator

Gilles Deleuze

Cinema 1
Cinéma 1

Ch X. The Action-Image: The Small Form
Ch X. L'image-action : La petite forme

3c.
The Paradox of Keaton the Minoring and Recurrent Functions of the Great Machines
Le paradoxe de Keaton : la fonction minorante et récurrente des grandes machines


At the same time, a type of images which are unexpected in the burlesque rise up before our very eyes. For example, the opening sequence of Our Hospitality, with the night, the thunderstorm, the lightning, the double murder and the terrified woman: pure Griffith. Also the cyclone in Steamboat Bill Junior, the diver's suffocation at the bottom of the sea in The Navigator, the crushing of the train and the flood in The General, the terrible boxing match in Battling Butler. Occasionally it is, in particular, an element of the image: the sabre-blade about to be thrust into an enemy's back, in The General, or the knife which the The Cameraman slips into the hand of a Chinese demonstrator. [Deleuze, Cinema 1, 1986: 177-178]

En même temps, sous nos propres yeux, naissent un type d’images inattendues dans le burlesque. C’est l’ouverture des « Lois de l’hospitalité » avec la nuit, l’orage, les éclairs, le double meurtre et la femme terrifiée, du pur Griffith. C’est aussi le cyclone de « Steamboat Bill Junior », l’asphyxie du scaphandrier au fond de la mer dans « La croisière du Navigator », l’écrasement du train et l’inondation dans « Le mécano de la General », le terrible combat de boxe de « Battling Butler ». Parfois, c’est particulièrement un élément de l’image : la lame du sabre qui vient s’enfoncer dans le dos d’un ennemi, dans « Le mécano de la General », ou bien le couteau que « Le caméraman » glisse dans la main d’un manifestant chinois. [Deleuze Cinéma 1, 1985: 237c.d]

Cinema 2: The Time Image
Cinéma 2: L'image-temps

Ch.7
Thought and Cinema
La pensée et le cinéma
1d
Second Aspect: From Thought to the Image, the Figures of the Internal Monologue
Deuxième aspect : de la pensée à l’image, les figures et le monologue intérieur

Keaton's The Navigator, where the hero in the life-jacket, strangled, dying, drowning in his life-jacket, is going to be awkwardly saved by the girl. She takes him between her legs | to make sure of a grip and finally manages to open the jacket by cutting it whereupon a flood of water escapes from it. Never has an image rendered so well the violent metaphor of giving birth, by caesarian section and explosion of the amniotic sac. [Deleuze Cinema 2, 1989: 155-156]

« La croisière du Navigator », de Keaton, où le héros en scaphandre, asphyxié mourant, noyé dans son scaphandre, va être sauvé maladroitement par la jeune fille. Elle le prend entre ses jambes pour assurer sa prise, elle arrive enfin à ouvrir d’un coup de couteau le costume, d’où s’échappe un torrent d’eau. Jamais une image n’a aussi bien rendu la métaphore violente d’un accouchement, avec césarienne et explosion de la poche des eaux. [Deleuze Cinéma 2, 1985: 209c]


Gilles Deleuze cours 18 du 11/05/1982

Et je citais d’autres exemples : Dans la grande séquence comique de La Croisière du navigator -la scène du scaphandrier, il y a des éléments burlesques mais il y a un long moment, lorsque les sauvages sont montés sur le bateau et qu’il y a un sauvage qui coupe le tuyau de respiration, il y a une espèce d’asphyxie au fond de l’eau de Buster Keaton ; il n’y a là absolument rien, absolument rien de burlesque ! (cours 18 du 11/05/1982)

Et c’est ça l’opération très bizarre de Keaton. Je prends l’exemple le plus célèbre pour faire comprendre ce que je veux dire : "la Croisière du navigateur". La croisière du navigateur, voilà qu’il se trouve avec la femme, avec une femme, avec une jeune fille, voilà qu’il se trouve dans l’immense bateau vide. Je dirais cet immense bateau vide avec les images qui nous montrent les cuisines de ce bateau qui vont supporter des milliers de personnes. Bon... C’est de la "grande forme" ça. Et l’opération de Keaton, vous ne trouverez jamais ça chez Charlot à mon avis, euh... jamais. C’est tout autre problème, c’est le problème Keatonien. Ça va être quoi ? Ça va être monter des machines idéalement infinies pour adapter les grandes machines à un usage privé réduit à deux. Vous voyez tout un système pour arriver à, comment dans une cuve conçus pour mille personnes, comment arriver à faire cuire un œuf à la coque ! Il va falloir tout un système de, de ....c’est la grande machine Dada. C’est la grande machine Dada ! C’est une machine à la fois récurrente, à récurrence, et à récurrence proprement finie. C’est une machine faite de parties hétérogènes, complètement hétérogènes, comme dans les dessins de Goldberg. Si vous préférez, il y aurait un équivalent aujourd’hui dans les machines, les célèbres machines de Tingueli. Les machines Tingueli, c’est des machines du mêmes type. Et alors, ça il me semble que ce sera sa manière à lui, pour intégrer, pour que les grandes scènes, les grandes formes, dont il nous donne des images fantastiques, merveilleuses, soient intégrées dans le burlesque lui-même. Et là, il y a quelque chose il me semble d’unique. Je prends l’exemple de La croisière du Navigateur : Bon, il est complètement asphyxié dans le fond, là, ivresse sous-marine, asphyxie... On a confiance, alors on est déjà tout prêt à rire mais l’image, elle est pas drôle du tout. (cours 18 du 11/05/1982)



Deleuze cours 74 du 08/01/1985 – 3

Alors, je crois que une année, mais je ne tenais pas l’histoire là....je reprends un exemple...il me semble, la plus belle, la plus belle métaphore de tout le cinéma, la plus belle métaphore de tout le cinéma, c’est une métaphore intrinsèque. C’est dans Buster Keaton. Il n’y en aura jamais de plus belle donc....Si vous vous rappelez c’est dans La croisière du Navigator, c’est là où il est scaphandre, non ? La croisière du Navigator...Non ? Oui ? Oui c’est là. Vous vous rappelez en gros, il est scaphandre, là le tuyau a été coupé, il est...Buster Keaton est au fond de l’eau. Là...je me souviens plus très bien comment il arrive à remonter, mais il asphyxie dans son masque, puisque le masque est plein d’eau qui s’est foutue là-dedans, il est en train de se noyer dans son propre scaphandre. Et il y a la jeune fille, ça doit être elle d’ailleurs par maladresse qui a coupé de tuyau sans le faire exprès car comme toujours c’est elle qui l’a flanqué dans cette situation, elle le remonte et puis elle essaye de défaire le scaphandre. Alors là c’est évident je veux dire que c’est pas dans ma tête ce que je vous dis, (parle à voix très basse, inaudible), elle...Je décris la scène, enfin telle qu’elle est dans mon souvenir. (Incompris) elle s’y prend avec une maladresse insensée, elle le prend, d’ailleurs c’est pas commode de manipuler un scaphandre, [Des propos très découpés] Et on sent qu’elle s’affole, elle s’affole et voilà que elle le bloque. Pour le bloquer, elle le bloque entre ses jambes à elle. Ah on voit on voit ce...Et puis alors elle essaye de dévisser la tête, rien n’y fait, tout ça. La scène prend une intensité très grande jusqu’au moment où elle le tient, alors il glisse, il glisse tout le temps, alors elle essaie, elle le remonte, elle le recale entre ses jambes, il reglisse, jusqu’au moment où je ne sais pas si c’est lui qui a l’intuition ou si c’est elle, ça change rien, qui enfin a l’idée, et prend un couteau ( ?) et ouvre le scaphandre, et il y a toute l’eau contenue dans le scaphandre qui se déplace. Bon.

Vous prenez la position, (écrit au tableau), la fille, le type avec sa grosse tête, qui est calée entre les jambres de la fille, le coup de couteau, l’explosion des eaux, c’est évident, on le voit ! Je veux dire c’est pas dans la tête, on le voit ! C’est un accouchement, un prodigieux accouchement, c’est un accouchement avec explosion de la poche des eaux. C’est une espèce d’accouchement lyrique, fantastique ; où le type là...sort, sort de cette femme avec sa grosse tête...Et l’eau, la poche des eaux, il y a je ne dirais pas là une image typique, si vous voulez vous. Vous vous rendez compte s’il avait montré, si Keaton avait mis deux images, s’il avait montré ça, et puis à la suite, une femme accouchant ( des rires) tout était fichu. Il avait une métaphore extrinsèque. Comment a-t-il fait pour que, la formule, ça répond à peu près à la formule, en effet ; l’image A cette situation insolite du scaphandre, en train de se noyer dans son propre scaphandre, capte les harmoniques d’une toute autre image, à savoir, l’accouchement. Comment est-ce qu’elle capte ces harmoniques ? Par des moyens extraordinairement minutieux, je veux dire ce ne sont pas des sensations vagues, il faudra d’abord tout le thème, alors là on peut faire tout ce qu’on veut, dans ce domaine, bon il faurda le thème du tuyau coupé, le cordon ombilical qui précédait...Qui précédait ces images, et qui nous mettait déjà dans dans...il faudra l’intervention du couteau c’est-à-dire un accouchement par césarienne. C’est une grande césarienne quoi. Bon voilà que l’image, grand A, l’image de Keaton, a capté les harmoniques de la césarienne. (Deleuze cours 74 du 08/01/1985 – 3)



Deleuze cours 75 du 15/01/1985 – 1


D’où la métaphore sur laquelle j’avais insisté, parce que encore une fois, ça me parait la plus belle de toute l’histoire du cinéma : l’histoire de Buster Keaton dans "la croisière du Navigator" où le scaphandre percé d’un coup de couteau, pendant que Buster Keaton agonise dans le scaphandre, capte les harmoniques d’une toute autre image qui n’est pas donnée : à savoir l’accouchement avec césarienne et crevaison de la poche des eaux . (Deleuze cours 75 du 15/01/1985 – 1)






Buster Keaton The Navigator cuts suit



Gilles Deleuze cours 18 du 11/05/1982
http://www.univ-paris8.fr/deleuze/article.php3?id_article=249

Gilles Deleuze cours 74 du 08/01/1985 - 3
http://www2.univ-paris8.fr/deleuze/article.php3?id_article=290

Gilles Deleuze cours 75 du 15/01/1985 – 1
http://www2.univ-paris8.fr/deleuze/article.php3?id_article=291



Deleuze, Gilles.
Cinema 2: The Time Image. Transl. Hugh Tomlinson and Robert Galeta. London & New York: The Athlone Press, 1989.

Deleuze, Gilles. Cinéma 2: L'image-temps. Paris:Les éditions de minuit, 1985.



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