Monday, 12 July 2010

Careful, Our Memories Have Ears. Joseph Mankiewicz. All About Eve


presentation by Corry Shores
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[The following is quotation.]

Careful, Our Memories Have Ears
Joseph Mankiewicz
All About Eve


Gilles Deleuze

Cinema 2: The Time Image
Cinéma 2: L'image-temps


Ch. 3.
From Recollection to Dreams: Third Commentary on Bergson
Du souvenir aux rêves (troisième commentaire de Bergson)

2c:
The two poles of the flashback: Carné, Mankiewicz
Les deux pôles du flash-back : Carné, Mankiewicz


What is reported is always a skidding, a detour, a fork. But, although the fork may in principle be discovered only after the event, through flashback, there is one character who has been able to foresee it, or grasp it at the time, whether he uses it later for good or for evil. Mankiewicz is brilliant with these scenes. It is not only Harry's role in The Barefoot Contessa; it happens in two important scenes in All About Eve. First, the actress's secretary-dresser has understood straight away Eve's deceitfulness, her split personality: at the exact moment that Eve was producing her false story, she heard everything from the next room, out of frame, and comes into the frame to give Eve an intense look and briefly show her doubt. And then, later, the devilish theatre-critic will surprise another of Eve's forks, when she tries to seduce the actress's lover. He hears, and perhaps notices, through the half-open door, as between two fields. He will know how to use this later, but he has understood at the time (and it is at different moments that each of the characters understand, thanks to a new fork). Now, in all these cases, we do not leave memory. But instead of a constituted memory, as function of the past which reports a story, we witness the birth of memory, as function of the future which retains what happens in order to make it the object to come of the other memory. This is what Mankiewicz has very clearly understood: memory could never evoke and report the past if it had not already been constituted at the moment when the past was still present, hence in an aim to come. It is in fact for this reason that it is behavior: it is in the present that we make a memory, in order to make use of it in the future when the present will be past. [...] It is this role of spy, or of involuntary witness, which gives Mankiewicz's cinema its whole force [...]. Hence the way in which we find in him the two distinct aspects of the out-of-field: an aside concerning the character who surprises the fork, and a beyond concerning the character who relates it to the past (sometimes the same character, sometimes a different one). [Deleuze Cinema 2, 1989: 49-50c]

Ce qui est rapporté est toujours un dérapage, un déviation, une bifurcation. Mais, bien que la bifurcation ne puisse en principe être découverte qu'après coup, par flash-back, il y a un personnage qui a pu la pressentir, ou la saisir sur le moment, quitte à s'en servir plus tard pour le bien ou pour le mal. Mankiewicz excelle dans ces scènes. Ce n'est pas seulement le rôle d'Harry dans «
La comtesse aux pieds nus », ce sont deux grandes scènes de « Tout sur Eve ». D’abord, l’habilleuse-secrétaire de l’actrice a compris immédiatement la fourberie d’Eve, son caractère fourchu : au moment même où Eve faisait son récit mensonger, elle a tout entendu de la pièce à côté, hors champ, et rentre dans le champ pour regarder Eve intensément et manifester brièvement son doute. Et puis, plus tard, le diabolique critique de théâtre surprendra une autre bifurcation d’Eve, quand elle s’efforce de séduire l’amant de l’actrice. Il entend, et peut-être aperçoit, par la porte entrebâillée, comme entre deux champs. Il saura s’en servir plus tard, mais il a compris sur le moment (et c’est à des moments différents que chacun des personnages comprend, à la faveur d’une nouvelle bifurcation). Or, dans tous ces cas, nous ne sortons pas de la mémoire. Seulement, au lieu d’une mémoire constituée, comme fonction du passé qui rapporte un récit, nous assistons à la naissance de la mémoire, comme fonction du futur qui retient ce qui se passe pour en faire l’objet à venir de l’autre mémoire. C’est ce que Mankiewicz a compris très profondément : la mémoire ne pourrait jamais évoquer et raconter le passé si elle ne s’était déjà constituée au moment où le passé était encore présent, donc dans un but à venir. C’est même en cela qu’elle une conduite : c’est dans le présent qu’on se fait une mémoire, pour s’en servir dans le futur quand le présent sera passé. C'est cette mémoire du présent qui fait communiquer du dedans les deux éléments, la mémoire romanesque telle qu’elle apparaît6 dans le récit rapporteur, le présent théâtral tel qu’il apparaît dans le dialogues rapportés. C’est ce tiers circulant qui donne à l’ensemble un valeur totalement cinématographique. C'est ce rôle d’épieur, ou de témoin involontaire, qui donne toute sa force au cinéma de Mankiewicz : naissance visuelle et auditive de la mémoire. D’où la manière dont on retrouve chez lui les deux aspects distincts du hors-champ : un à-côté renvoyant au personnage qui surprend la bifurcation, un au-delà renvoyant au personnage qui la rapporte au passé (parfois le même personnage, parfois un autre). [Deleuze Cinéma 2, 1985: 71-73]

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Deleuze, Gilles. Cinema 2: The Time Image. Transl. Hugh Tomlinson and Robert Galeta. London & New York: 1989.

Deleuze, Gilles. Cinéma 2: L'image-temps. Paris: Les éditions de minuit, 1985.




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