Saturday, 30 March 2013

In Close. D.W. Griffith. Enoch Arden




Gilles Deleuze
Cinema I: The Movement Image
Cinéma 1: L'image-mouvement

Ch 3
Montage
Montage

1b
The American School: Organic Composition and Montage in Griffith
L’école américaine : composition organique et montage chez Griffith

The insertion of the close-up in this sense does not merely involve the enlargement of a detail, but produces a miniaturisation of the set, a reduction of the scene (to the scale of a child, for example, like the baby who is present during the action of The Massacre). And, more generally, by showing the way in which the characters live the scene of which they form part, the close-up endows the objective set with a subjectivity which || equals or even surpasses it (not just the close-ups of soldiers which alternate with the long shots of the battle, or the terrified close-ups of the young girl chased by a Negro in Birth of a Nation, but also the close-up of the young woman who identifies with the images of her thought in Enoch Arden). [Deleuze, Cinema 1, 1986: 30c.d; 1986(2005): 31||32]

l'insertion du gros plan, en ce sens, n'opère pas seulement le grossissement d'un détail, mais entraîne une miniaturisation de l'ensemble, une réduction de la scène (à l'échelle d'un enfant, par exemple, comme le gros plan du bébé qui assiste au drame dans « Le massacre » ). Et, plus généralement, en montrant la manière dont les personnages vivent la scène dont ils font partie, le gros plan dote l'ensemble objectif d'une subjectivité qui l'égale ou même le dépasse (ainsi, non seulement les gros plans de combattants qui alternent avec les plans d'ensemble de la bataille, ou les gros plans effarés de la jeune fille poursuivie par le Noir dans « Naissance d'une nation », mais aussi le gros plan de la jeune femme qui s'associe avec les images de sa pensée, dans « Enoch Arden » ). [Deleuze Cinéma 1, 1985: 48b]


Ch. 6
The Affection-Image: Face and close-up
L’image-affection : visage et gros plan
 
1a
The two poles of the face: power and quality
Les deux pôles du visage : puissance et qualité
 
We can already recognise in this the two types of close-up, one of which was the hallmark of Griffith, and the other of Eisenstein. There are famous Griffith close-ups in which everything is organised for the pure and soft outline of a feminine face (notably the iris procedure): a young woman thinks about her husband in Enoch Arden. Bur, in Eisenstein's The General Line, the handsome face of the priest is dissolved, giving way to a cheating look which links up with the narrow back of the head and the fleshy earlobe: it is as if the traits of faceity were escaping the outline, and testifying to the priest's ressentiment.[Deleuze, Cinema 1, 1986: 89a; 1986(2005): 91b] 
 
On reconnaît déjà là deux types de gros plans, dont l'un serait surtout signé Griffith, et l'autre, Eisenstein. Célèbres sont les gros plans de Griffith où tout est organisé pour le contour pur et doux d'un visage féminin (notamment le procédé de l'iris) : une jeune femme pense à son mari, dans « Enoch Arden ». Mais, dans « La ligne générale », d'Eisenstein, le beau visage du pope se dissout au profit d'un regard fourbe qui s'enchaîne avec l'occiput étroit et le lobe gras de l'oreille : c'est comme si des traits de visagéité échappaient au contour, et témoignaient du ressentiment du prêtre. [Deleuze Cinéma 1, 1983: 127cd]


We can only know that Griffith's young woman is thinking about her husband because we see the image of the husband immediately afterwards: we had to wait and the link seems to be merely associative. [Deleuze, Cinema 1, 1986: 90a; 1986(2005): 92b] 

Qu'une jeune femme de Griffith pense à son mari, nous ne pouvons le savoir que parce que nous voyons tout de suite après l'image du mari : il fallait attendre, et le lien semble seulement associatif. [Deleuze Cinéma 1, 1983: 129ab]


Deleuze Cours 

Et ça c’est un grand truc de Griffith. Dans un exemple célèbre, Griffith fait un gros plan de visage de jeune femme qui pense à quelque chose - voyez c’est toujours le pôle « penser à quelque chose » - et puis l’image d’après : son mari, dans un tout autre lieu. Traduction : elle pense à son mari. [Deleuze Cours 8- 26/01/82 - 2]
 
 

Deleuze Cours 
9- 02/02/82 - 2
 
Mais peu importe, je dis juste qu’il se trouve que ces trucs que je viens de présenter comme très modernes, extraction de qualité pure et potentialisation d’espace. Il se trouve qu’on peut dire qu’ils existaient tout le temps. Et je ne peux même pas dire que c’est seulement par le gros plan qu’un certain nombre de cinéastes l’on fait, ça. Et je peux dire qu’en tout cas c’est souvent par le gros plan, qu’un certain nombre de cinéastes, dont Griffith et Eisenstein, l’ont obtenu. Si bien que, vous voyez, ma conclusion sur cette analyse de Griffith et Eisenstein, elle consiste à dire qu’il faut quand même se méfier. Parce que, là aussi, beaucoup de gens l’ont déjà remarqué, Eisenstein écrit des pages splendides sur le gros plan chez Griffith et chez lui-même, mais évidemment il ne résiste pas à cette espèce de coquetterie, c’est-à-dire qu’il triche. Sa manière de tricher, comme il veut toujours rappeler qu’il est dialecticien, c’est-à-dire qu’il est bon marxiste, il conçoit les choses dialectiquement. Alors, ce n’est pas difficile, chez lui ça donne ceci : que Griffith c’est en quelque sorte le premier pas dialectique, et que lui il a été plus loin dialectiquement, puisqu’il disposait de la méthode dialectique. Mais rien du tout ! Car il nous dit ceci, exactement, si je reprends le texte d’Eisenstein concernant le gros plan de Griffith comparé au gros plan de lui. Il dit deux choses : Griffith est un grand génie mais il lui manque quelque chose. Car chez lui le gros plan est subjectif, seulement subjectif, et seulement associatif.

Je résume là le texte d’Eisenstein. Il dit qu’il est subjectif parce que le gros plan, il concerne les conditions de la vision. Il va très loin et il a même des formules très belles. Il dit « chez les américains, le gros plan concerne les conditions subjectives de la vision », c’est-à-dire les conditions subjectives du spectateur. On lui montre quelque chose de près, « tandis que, dit-il, chez nous Russes, parce que nous disposons de la méthode dialectique, chez nous Russes, c’est différent. On a fait un pas de plus, parce qu’on a compris que le gros plan devait concerner l’appréhension objective de ce qui était vu. On est passé de la subjectivité à l’objectivité ». Et puis il ajoute, et ça revient au même, « le gros plan de Griffith est seulement associatif, c’est-à-dire qu’il anticipe. Vous voyez, ça répond relativement au visage qui pense à quelque chose, je passe de l’un à l’autre. Il y a association entre le visage et ce à quoi il pense, tandis que mon gros plan à moi, dit Eisenstein, est dialectique, il n’est pas associatif ». Et ça veut dire quoi « dialectique » pour Eisenstein ? Ca veut dire produire une qualité nouvelle. Il a bien lu Lénine, par juxtaposition ou par fusion. Et il dit : « Moi, mes gros plans, c’est comme ça, ils produisent une qualité nouvelle par juxtaposition ou fusion ». Vous voyez ce qu’il veut dire, là : juxtaposition de visages du Cuirassé Potemkine, des visages de marins, la colère monte, ou le chagrin monte, etc. Bon, là il y a bien une espèce d’union dialectique, de fusion dialectique, qui va produire une nouvelle qualité. Ce dernier point va nous intéresser.

Donc, on a vu en fait que, rien du tout, ce n’est pas ça. La vraie différence ne nous est pas apparue là, elle nous ait apparue... d’une part, il nous est difficile de parler de progrès, d’autre part, moi, je n’ai pas du tout l’impression que la conception du gros plan d’Eisenstein soit dialectique, rien du tout, elle n’est pas du tout dialectique, elle est intensive, ce qui est bien plus beau. Et elle consiste à établir une série d’intensités. Mais il est vrai que, la dernière remarque d’Eisenstein doit nous servir pour conclure [...] Car la dernière remarque d’Eisenstein nous parle d’une fusion qui permet d’aboutir, de franchir un seuil. Fusion qualitative. Tous les traits de visagéité qui, par intensité, par graduations intensives, vont produire une qualité nouvelle. Je peux dire maintenant que dans le premier pôle de visage, visage à la Griffith, le visage pense à quelque chose, mais en tant qu’il pense à quelque chose, il exprime une qualité pure. Cette qualité pure étant commune à plusieurs choses. [Deleuze Cours 9- 02/02/82 - 2]

 






[Unlike previous entries this one cites both of the English translation editions. The earlier one is given as 1986. The newer one 1986(2005). Previously the newer one was listed just as 1986 and the older one was not cited.]


Deleuze, Gilles. Cinema 1: The Movement-Image.Transl. Hugh Tomlinson & Barbara Habberjam, Minnesota: University of Minnesota / Athlone, 1986.
 

Deleuze, Gilles. Cinema 1: The Movement-Image.Transl. Hugh Tomlinson & Barbara Habberjam, London / New York: Continuum / Athlone, 1986[2005].

Deleuze, Gilles. Cinéma 1: L'image-mouvement. Paris: Les éditions de minuit, 1983.

 
Deleuze Cours 9- 02/02/82 – 2
http://www2.univ-paris8.fr/deleuze/article.php3?id_article=106

Friday, 29 March 2013

The Other Only Thing to Fear. Wim Wenders. The American Friend / Der amerikanische Freund / L'Ami américain

The Other Only Thing to Fear

Wim Wenders

The American Friend
Der amerikanische Freund
L'Ami américain



Gilles Deleuze

Cinema I
Cinéma 1


Ch 6:
The Affection-Image, Face and Close-up
L'image-affection : visage et gros plan
3e:
[The Limit of the Face or Nothingness: Bergman] How to Escape It
[La limite du visage ou le néant : Bergman] Comment y échapper


This is already the case in Bergman's work even in its political aspects (The Shame, The Serpent's Egg) but also in the German school which extends and renews the project of such a cinema of fear. From this perspective Wenders attempts a transplantation and reconciliation of the two pedigrees: 'I'm afraid of being afraid.' [Deleuze, Cinema 1, 1986:103b]

C'est déjà le cas pour l'œuvre de Bergman jusque dans ses aspects politiques (« La honte », « L'œuf du serpent », « La peur »), mais aussi pour l’école allemande qui prolonge et renouvelle le projet d'un tel cinéma de la peur. Dans cette perspective, Wenders tente un transplantation et une réconciliation des deux lignées : « J'ai peur d'avoir peur ». [Deleuze Cinéma 1, 1985:13-14]



 


 


Deleuze, Gilles. Cinema 1: The Movement-Image.Transl. Hugh Tomlinson & Barbara Habberjam, London: Continuum, 1986.
 

Deleuze, Gilles. Cinéma 1: L'image-mouvement. Paris: Les éditions de minuit, 1983.